Aucune société humaine recensée n’a jamais totalement échappé à la question de la valeur accordée à certains principes fondamentaux. Un consensus apparent se dessine pourtant autour de notions comme le respect, la justice ou la solidarité, malgré des interprétations parfois divergentes selon les cultures ou les époques.
Certaines règles morales paraissent intransigeantes, mais révèlent des nuances inattendues à l’épreuve des contextes. La coexistence de points communs et de spécificités invite à s’interroger sur la portée réelle de ces repères partagés et sur leur influence dans la vie collective autant que dans les relations individuelles.
Pourquoi parle-t-on de valeurs universelles ? Origines et définitions clés
La question des valeurs universelles s’impose aujourd’hui dans bien des débats, traversant aussi bien la philosophie, la sociologie que la vie quotidienne. Mais que recouvre réellement ce concept ? Dans le champ de la psychologie sociale, une valeur désigne tout principe, toute croyance ou idéal qui sert de guide à nos comportements, nos choix, nos prises de position. Cette définition, explicitée par Christine Chataigné, s’applique aussi bien à la routine la plus banale qu’aux grands questionnements collectifs.
Un socle commun à l’humanité ? L’idée prend forme à travers les recherches du psychologue social Shalom H. Schwartz. Son modèle, largement reconnu, propose d’abord dix valeurs universelles, puis en affine la liste jusqu’à dix-neuf catégories, toutes repérées dans un large éventail de cultures. Parmi elles, on rencontre des repères comme pouvoir, sécurité, hédonisme, universalisme ou bienveillance. Chacune se décline, s’entrecroise ou s’oppose selon les sociétés ou les parcours individuels.
Mais la réflexion ne s’arrête pas là. Milton Rokeach, autre chercheur référence, propose une distinction féconde : d’une part, les valeurs instrumentales, qui concernent la façon d’agir (par exemple la compétence, la franchise) ; d’autre part, les valeurs terminales, qui désignent la finalité recherchée (comme la paix ou la sécurité). Cette typologie permet de saisir comment chaque civilisation articule, hiérarchise et fait évoluer ses repères moraux.
Pour mieux appréhender ces notions centrales, voici quelques définitions :
- Valeur : principe, croyance ou idéal qui oriente la vie personnelle et collective
- Modèle des valeurs de Schwartz : classification empirique des valeurs communes à l’humanité
- Instrumentales / terminales : distinction entre moyens d’agir et finalités, selon Milton Rokeach
Bien plus que de simples concepts, les valeurs universelles imprègnent nos discussions, influencent les règles communes et pèsent dans les choix, des plus intimes aux plus publics.
Les 12 valeurs universelles : panorama et sens dans les différentes cultures
À travers la complexité des sociétés humaines, certaines valeurs persistent et traversent les frontières, les époques, les systèmes politiques. Le modèle proposé par Shalom H. Schwartz a permis de structurer cette réflexion, d’abord autour de dix, puis de dix-neuf catégories. Au fil des recherches, douze valeurs s’imposent, illustrant une aspiration partagée à la cohésion, à la reconnaissance et à la croissance collective.
Voici les douze valeurs universelles qui reviennent le plus souvent dans les analyses et les expériences interculturelles :
- Respect
- Solidarité
- Bienveillance
- Justice
- Liberté
- Créativité
- Responsabilité
- Compassion
- Courage
- Gratitude
- Intégrité
- Tolérance
Du Japon au Brésil, du Sénégal à la Suède, ces valeurs nourrissent le vivre ensemble. Mais leur signification, leur place dans la société, évoluent selon l’histoire, la culture, la religion. Par exemple, la justice peut prendre le visage de l’équité dans une société individualiste, ou de la redistribution dans une culture où l’interdépendance prévaut. La liberté s’exprime différemment selon les traditions politiques ou religieuses. Mais, toujours, elles témoignent d’un désir profond : celui de mener une existence digne, de grandir avec les autres, de développer une intelligence émotionnelle partagée.
Les valeurs universelles ne se réduisent pas à une liste figée. Leur dynamique se révèle dans les arbitrages, les tensions, les priorités de chaque société. Elles ne sont ni imposées, ni statiques : elles émergent, se modulent, se vivent dans les lois, les relations, les choix du quotidien. Chaque culture façonne leur hiérarchie, mais leur présence trace un horizon commun, indispensable au respect de la dignité humaine.
Quel rôle jouent ces valeurs dans nos émotions et nos comportements ?
Une valeur agit comme une paire de lunettes invisible : elle filtre ce que nous voyons, ce que nous ressentons, ce que nous faisons. Selon son histoire, sa culture, chaque individu classe ses valeurs, attribue des priorités, se fixe des repères. Ce classement influence ses décisions, ses engagements, ses réactions face à l’inattendu. Les recherches en psychologie sociale l’ont montré : nos émotions naissent souvent de l’écart entre ce que nous vivons et ce à quoi nous croyons. L’indignation devant une injustice, la colère face à une trahison, la satisfaction d’un geste solidaire, trouvent leur origine dans le socle de valeurs, qu’il soit personnel ou collectif.
Les situations de conflit de valeurs ne manquent pas. Elles surgissent dans la sphère intime comme au sein d’une équipe, d’une entreprise. Deux valeurs peuvent s’opposer et générer malaise, tension, voire blocage. Dans ces moments, un arbitrage s’impose. C’est là que la clarification des valeurs devient précieuse, que ce soit en développement personnel, en médiation ou dans une démarche thérapeutique. Identifier ses valeurs dominantes aide à comprendre ses réactions, à ajuster ses comportements, à prendre des décisions mieux alignées avec soi-même.
Qu’elles soient morales, éthiques ou professionnelles, les valeurs se révèlent dans l’action. Elles servent de boussole pour choisir, pour accepter ou refuser. Rien n’est figé : avec le temps, les expériences, au contact de l’autre, nos valeurs évoluent, se réajustent, se nuancent. Motivation, engagement, coopération, résistance même, puisent leur source dans l’accord, ou la dissonance, entre nos valeurs et la réalité. Quand une organisation ou une société fait l’impasse sur cette dynamique, elle s’expose à l’incompréhension, au désengagement, voire à la crise.
Réfléchir à l’impact des valeurs universelles sur notre quotidien et notre société
Impossible d’échapper à l’influence des valeurs universelles dans la vie en société. Elles structurent les relations, tissent le lien social, déterminent bien des choix personnels. Respect, bienveillance, solidarité : ces repères ne se limitent pas à de grands discours. Ils façonnent les actes, s’incarnent dans la vie collective.
Le monde professionnel en porte la trace. Recruter, motiver, gérer un conflit, tout cela s’appuie sur des croyances communes, des principes discutés, parfois contestés. Quand une équipe partage un socle de valeurs, la cohésion et la capacité d’agir ensemble en sortent renforcées.
Au-delà du monde du travail, la société tout entière est traversée par ces enjeux. Les tensions sociales naissent souvent là où des conflits de valeurs minent la confiance. Les débats sur la justice, l’égalité, la tolérance prennent racine dans des différences de hiérarchisation, d’interprétation. Les valeurs, qu’elles soient héritées ou construites, servent de filtres pour juger, accepter, refuser, s’engager. Elles se transforment, se confrontent, s’enrichissent au contact d’autres cultures, d’autres vécus.
Clarifier ses repères reste une démarche clé. En développement personnel, dans la médiation ou l’accompagnement, ce travail aide à comprendre l’origine des blocages, à ouvrir la voie au dialogue. Pour garder son énergie et maintenir la paix, la société doit reconnaître la pluralité des systèmes de valeurs. Que l’on soit seul ou au sein d’un groupe, réfléchir à ce qui nous anime n’est pas qu’une option : c’est le socle d’une existence partagée, à la fois individuelle et collective.
Les valeurs universelles, loin de n’être qu’un catalogue, se révèlent dans les choix et les tensions de chaque jour. Elles invitent à inventer, à ajuster, à bâtir du commun, au gré des défis et des rencontres. Reste à savoir comment chacun, et tous ensemble, décidera de faire vivre ce socle dans un monde qui ne cesse de se réinventer.
